D’origine suisse, l’oeuvre unique et troublante de Johann Heinrich Füssli est à découvrir sans attendre dans une exposition mêlant onirisme, sublime et étrange au musée du Jacquemart-André du 16 septembre 2022 au 23 janvier 2023 !
Portrait d’un pasteur et peintre autodidacte fasciné par Shakespeare et la scène londonienne du XVIIIe siècle
Füssli n’a pas eu d’exposition dédiée en France depuis 1975. Le musée Jacquemart-André le met à nouveau à l’honneur cet automne au travers d’une exposition riche retraçant son parcours. Issu d’une famille d’artistes, Füssli devient dans un premier temps pasteur en 1761 avant d’emprunter une carrière artistique. Ses débuts londoniens remarqués sont encouragés par Joshua Reynolds, président de la Royal Academy. Il provoque la fascination et l’admiration de ses pairs et de jeunes artistes admirent sa manière de peindre. Celle-ci est en rupture avec le romantisme et le classicisme de l’époque. En effet, ce que Füssli aime, c’est choquer le public, introduire des thématiques étranges et mystiques éloignées des sujets classiques.
Épris de théâtre, en particulier de Shakespeare et de Marlowe, il se nourrit du jeu des acteurs et des mises en scènes dramatiques. Ainsi, ses tableaux sont chargés d’une force et d’une intensité émotionnelle puissantes. L’utilisation du clair-obscur vient sublimer ses toiles à la scénographie déjà singulière. Ses tableaux intitulés “Lady Macbeth somnambule“, daté de 1784, et “Hamlet et le spectre de son père“, 1793, illustrent son goût pour la mise en scène dramatique shakespearienne.
La femme, puissante et omniprésente chez Füssli
Parmi les nombreux thèmes choisis par le musée Jacquemart-André pour rendre hommage à Füssli, la femme est l’un des plus prégnant. En effet, nombre de ses tableaux mettent en scène une femme forte, imposante voire dominatrice. Cette fascination se voit notamment dans l’oeuvre “Déguisé en jardinier, Huon rencontre la sultane Almansaris“, 1804-1805, h/t, coll. particulière (au centre ci-dessus). Cette scène est tirée de l’épique saga Obéron, écrite par le poète allemand Christoph Martin Wieland en 1780. L’admiration qu’il avait pour les femmes se ressent également dans les magnifiques études présentes, réalisées à la plume ou au crayon graphite.
Füssli et le musée Jacquemart André : une exposition fantastiquement onirique
Les rêves sont l’une des régions les moins explorées de l’art
Füssli
Aphorisme 231
En vous rendant à cette exposition, vous allez attendre impatiemment le moment où vous verrez enfin le fameux “Cauchemar“ de vos propres yeux. Ce tableau fut réalisé en plusieurs exemplaires de formats différents. Il est accompagné à la fin de la visite d’un florilège d’autres oeuvres fantastiques. L’importance de cette oeuvre est liée au fait qu’elle marque la consécration de l’artiste. En effet, cette pièce, qu’il expose à l’Académie, est sans précédent. Inspirante, répugnante, fantastique, elle choque le public par son originalité. C’est certain, la version originale, de petit format, est incroyablement percutante. L’ambiance est inquiétante et les yeux jaunes et brillants des personnages surnaturels créent un ensemble puissamment hypnotique.
Le musée Jacquemart André signe ici une exposition détonnante qui ne manquera pas d’étonner ses visiteurs. La disposition des espaces quelque peu exigus est toujours délicate. En effet, le fait de revenir en arrière pour réaliser l’ensemble de la visite peut être difficile lors de fortes affluences. Un détail qui n’empêche pas de profiter pleinement des oeuvres lorsqu’on s’arme de patience. Ce musée nous a habitué à de magnifiques expositions (Botticelli et Turner par exemple) au fil des années et celle-ci en fait partie. Je ne peux que vous conseiller de vous y rendre et de vous offrir soit le catalogue d’exposition, soit l’un des excellents hors-série de Beaux-Arts magazine ou Connaissance des Arts pour prolonger votre immersion à la maison.