Si cet été vous souhaitez voir le Moyen-Âge autrement, je vous invite à visiter jusqu’au 28 septembre l’exposition “Regards sur la vie quotidienne” organisée par le musée de Cluny à Paris. Les organisateurs ont soigneusement sélectionné des pièces de la collection permanente du musée autour de cette idée. L’habitat, la dévotion, le jeu, les soins du corps, le mobilier, le monde de l’écrit ou encore l’art de la table sont autant de thématiques à découvrir pour se faire une idée plus concrète du mode de vie de nos ancêtres. Pour encore plus de détails, je vous conseille vivement de faire le choix de la visite guidée ! En attendant, voici un petit tour d’horizon de l’exposition. J’ai choisi de développer deux des différents thèmes présentés.
Le monde de l’écriture au Moyen-Âge
L’apprentissage des leçons
Parmi les thèmes présentés, le monde de l’écrit occupe une vitrine bien fournie qui met en scène plusieurs facettes qui lui sont liées. Déjà, pour faire simple, l’apprentissage au Moyen-Âge était bien différent d’aujourd’hui. Les universités n’apparaissent qu’à partir du XIIIème siècle en France et les étudiants sont loin d’avoir autant de moyen que nous pour prendre des notes. Le savoir était au départ affaire d’élite puis il vient à se démocratiser avec les années. Dans la scène ci-dessous il s’agit d’un enseignement de latin réalisé par un maître dans une “petite école”.
Il est important de garder en mémoire le schéma des cours à l’époque. Tout d’abord, le professeur lit et commente un texte, cela pouvait être une leçon de Grammaire, d’Histoire, de Religion, etc. L’apprentissage se faisait principalement grâce aux Écritures (textes religieux). À partir du début du XVIème via des textes antiques. Puis l’élève répète (à l’image du singe en bas de la sculpture qui imite les humains ci-dessus) et apprend le plus souvent par coeur. Enfin, en grandissant, il est amené lui aussi à commenter les textes étudiés et à faire preuve d’esprit critique.
Les outils à disposition
Parmi les outils dont dispose l’étudiant pour prendre ses cours il n’a guère de choix. Le fameux calame lui sert à prendre ses notes (en bas à g. sur la photo ci-dessus). À son actif également une plaquette en bois enduite de cire et un stylet qui lui permettent de noter quelques notions avant d’être effacées et remplacées par de nouvelles notes. Il est évident que nos ancêtres avaient une meilleure mémoire, tout simplement par nécessité !
Le savoir était contenu dans des manuscrits lesquels étaient attachés par une chaine dans les bibliothèques. Cette précaution permettait de les préserver de tout vol. En effet, la conception de ces ouvrages était coûteuse et nécessitait du temps. Les feuillets de parchemin provenaient de peau de bêtes, le plus souvent de mouton et plus rarement de veau mort né – alors appelé “velin” et réservé aux ouvrages les plus précieux. Sur le côté on observe des étuis en cuir qui permettaient de ranger, protéger et transporter son manuscrit lorsqu’on avait la chance d’en posséder un à soi. Le plus souvent il s’agissait d’ouvrages religieux, comme des psautiers ou livres d’heures.
Encore aujourd’hui vous pouvez observer des livres enchainés à la Bodleian Library d’Oxford par exemple. Pour son exposition sur la vie quotidienne, le musée de Cluny expose deux de ses manuscrits. À savoir qu’il possède une collection d‘ouvrages choisis pour leur contenu et non pour leur préciosité, comme à la BnF. Les renseignements donnés sur la vie des hommes du Moyen-Âge sont ici privilégiés.
L’art de la table : entre vaisselle luxueuse et quotidienne
L’importance du goût dans la vie quotidienne du Moyen-Âge
La matière privilégiée, comme vous devez vous en douter, reste la terre cuite. Peu couteuse et facile à travailler, elle permet de réaliser la plupart des contenants nécessaires au service. Les objets présentés dans cette vitrine proviennent surtout du XVe siècle. On observe que certaines pièces sont vernissées et d’autres non, en particulier à l’intérieur. Détail qui a une raison bien précise…
En effet, la notion de goût avait ainsi une grande importance chez eux ! Certes, leurs plats n’étaient pas des plus “fins” et avaient plus des airs de pâtés en croûte. Mais ils aimaient faire des expériences et surtout appréciaient ce qui était goûtu. En ne mettant pas de verni dans la jarre à eau et en laissant l’eau un certain temps dedans, ils se sont rendu compte qu’elle prenait une saveur proche de celle de la terre, saveur qu’ils appréciaient. De même pour les pots, ne pas laver certains pots après qu’ils aient contenu de la nourriture permettait de donner un fumet à la suivante.
Anecdote
La fourchette telle que nous la connaissons n’apparait et ne se diffuse largement qu’à partir du XVIe siècle. D’un point de vue pratique, elle permet de ne plus manger avec ses doigts et donc d’éloigner le corps de la nourriture, de ne plus ressentir le côté “sensuel” de son contact. Volonté de l’Église et évolution de la société, la fourchette entre dans les moeurs pour tous dans un souci de “civiliser” la populace.
Toutefois, il existait déjà aux environs des XIe-XIIe siècle une sorte de fourchette à 2 branches détenue par les élites. Cet outil leur permettait entre autre de déguster leurs fruits confits dans le miel… suprême délice d’alors !
Ci-contre : Dessin d’une fourchette à 2 branches – Dictionnaire du Moyen-Âge par Eugène Viollet-le-Duc – Source
Luxe et symbolique dans l’assiette
Le régime alimentaire des habitants du Moyen-Âge, ainsi que tout leur mode de vie, est emprunt de symbolique chrétienne. Pour vulgariser grossièrement, tout ce qui foule la Terre est pour la basse classe (comme le cochon). Cette nourriture est considérée comme impure et proche du royaume des Enfers. À l’inverse, tout ce qui est proche du ciel est donc proche du royaume des Cieux et de Dieu. Elle est alors vue comme mets de choix. Ainsi lors de banquets chez des hôtes fortunés, vous trouverez sur la table du héron notamment et plus particulièrement des ailes d’oiseaux. Oui, car même si le goût n’y est pas, le plat aura tout même permis aux convives de s’élever spirituellement.
Sur la photo ci-dessus vous avez un panel de différents couteaux :
– ceux aux manches en ivoire blanc étaient utilisés pour le service,
– celui avec le manche noir servait en cuisine,
– celui au bout pointu quant à lui a servi à la cour du duc de Bourgogne.
Mais aussi de la vaisselle d’apparat
Logiquement, les céramiques utilisées par les aristocrates sont également beaucoup plus précieuses que celles des paysans. Vous pourrez observer des objets à glaçure dorée, une technique hispano-mauresque introduite vers le XIIIe siècle par des céramistes du Moyen-Orient. Ci-dessus, des cuivres émaillés suivant cette même technique. Ces plats n’étaient pas utilisés pour leur côté pratique mais simplement décoratif. Ils sont brillants, dorés et esthétiques, ce qui est du plus bel effet dans une jolie demeure aristocratique.
Pour finir, et pour contrer un préjugé lié au Moyen-Âge, sachez que nos ancêtres se lavaient très régulièrement les mains. Avant, après, pendant le repas mais aussi au cours des prières. Il nous en reste aujourd’hui à l’entrée des églises la fameuse eau bénite.
De quoi rappeler de manière assez grossière l’importance de se laver les mains par les temps qui courent 😉 !
Au sujet de l’exposition “Regards sur la vie quotidienne” au Moyen-Âge du musée Cluny
Si je devais formuler un reproche ça serait celui-ci : l’exposition est trop sombre et la quantité d’objets apposés les uns aux autres, même s’ils disposent de cartels individuels, est difficile d’accès pour les néophytes. En effet, de nombreux visiteurs semblaient perdus et ne pas saisir l’intérêt des oeuvres présentées. Ils erraient de vitrine en vitrine d’un air plutôt dubitatif, essayant de se raccrocher aux informations présentes sur les panneaux muraux informatifs. Pour finir, ils partaient dans la salle des Trésors ou vers la tapisserie de la Licorne en esquivant une grande partie des pièces présentées.
En outre, l’absence de médiateurs culturels lors de la visite dans les salles est regrettable. J’ai un souvenir très agréable du musée Giacometti qui propose aux visiteurs un personnel qualifié répondant à vos questions avec patience. De quoi enrichir votre visite et repartir en ayant appris de nombreuses choses. Concernant cette exposition en particulier, ça serait un service à proposer aux visiteurs quasiment indispensable !
D’où mon conseil de faire appel à un médiateur culturel et de choisir la visite guidée. L’exposition prend alors un tout autre sens et vous en apprendrez davantage ! Car oui, le contenu est extrêmement riche et vraiment intéressant et les thématiques très diverses. Ça sera mon seul reproche, que je déplore étant moi-même passionnée par cette période. J’ai personnellement visité 2 fois cette exposition, dont une en visite guidée, et ce n’était pas de trop. Peut-être qu’un petit catalogue d’exposition ou un support écrit aurait permis de pallier simplement cet inconfort.
Enfin, je vous laisse découvrir les autres thématiques présentées lors de cette exposition sur la vie quotidienne au musée de Cluny, qui, j’en suis sûre, vous intéresseront également. En attendant, je vous propose quelques photos ci-dessous et vous invite à vous rendre sur place pour découvrir l’ensemble de la collection présentée.