L’Institut Giacometti, situé dans le 14ème arrondissement de Paris, met en vedette le processus créatif de l’artiste dont est issue la célèbre sculpture de l’Homme qui marche. Sans doute la première et unique fois où vous aurez la chance de croiser la route de quasiment toutes les variations de ces hommes en marche au même endroit, alors foncez-y !
L’Homme qui marche : les pièces maîtresses de l’exposition rassemblées
Cette figure de l’Homme qui marche est sans doute la sculpture emblématique de l’artiste. Giacometti, connu pour la simplicité de son style de vie, réussit la prouesse d’insuffler le mouvement à ses oeuvres. Objet d’une recherche perpétuelle, la Fondation met en scène des pièces inédites (photographies, carnets de dessins, sculptures préparatoires) qui retracent la réflexion et l’obsession de l’artiste pour cette figure.
Les pièces maîtresses de l’exposition sont sans aucun doute les trois grandes représentations de l’Homme qui marche. En effet, culminant entre 1,70m et 1,90m, elles ne manquent pas d’impressionner le visiteur. La première, en bronze, a été gracieusement prêtée par la Fondation Alberto Giacometti Stiftung de Zürich. Il s’agit de l’oeuvre originelle de l’artiste, précédent les deux autres et datée de 1947. La dynamique du corps est nettement différente des deux autres, datée postérieurement vers 1960, où la marche se fera plus affirmée, le buste tendu vers l’avant. Un prêt rarissime qui ne se reproduira sans doute plus à l’avenir, cette exposition est également une opportunité unique de voir côte à côte ces oeuvres.
L’humanisation du monde et de l’art
Ces sculptures sont à voir, de visu s’entend et non via des reproductions, car les textures, les couleurs ainsi que les formes sont si particulières qu’elles ne manqueront par de vous interpeler, voire de vous émouvoir. Il est étrange de contempler des oeuvres longuement et de voir comme l’impression première peut changer. Au départ, elles dégagent de la fragilité et un sentiment d’instabilité tant leur corps est fin et allongé. Mais plus vous les regarderez, plus le mouvement de marche paraîtra puissant et affirmé, plus le corps se fera ancré, fort et décidé à marcher droit devant lui. À vous de vous faire votre impression en les observant !
Giacometti a réellement capté et retranscrit avec sensibilité et réalisme la marche de l’Homme. Dans son processus créatif, l’artiste cherchait à saisir ce mouvement, vous le verrez sur ses nombreuses ébauches et dessins. Il voulait se l’approprier si bien qu’il fit reculer de plus en plus la forme jusqu’à en saisir l’essence. À noter également, l’humanisation des visages chez Giacometti. En effet, les traits sont dessinés, les yeux soulignés, on devine avec facilité les traits de chacune de ses sculptures. Un choix esthétique qui les rend d’autant plus humaines au fur et à mesure qu’on les contemple.
La photographie au centre ci-dessus est un Homme qui marche en bronze peint de 1964 et conservé à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence. Entourée de part et d’autre par les visages des sculptures de 1960 présentes à l’exposition.
Les sources d’inspiration de Giacometti pour l’Homme qui marche
Grand admirateur de l’art égyptien, et en particulier de l’art funéraire, Giacometti passe de nombreuses heures au Louvre à observer et dessiner d’après modèle (voir l’exposition consacrée en 2009). L’extrême codification de cet art le rend de suite reconnaissable. Champollion dit de l’art égyptien qu’il “se consacra à la notation des idées plutôt qu’à la représentation des choses“*. Sur nombre de figurations, les personnages sont figurés dans un mouvement de “marche apparente”. Cette esquisse de pas a une signification symbolique : l’homme qui marche adopte une attitude dynamique montrant son approche active au monde qui l’entoure.
*J.-F. Champollion, Lettres à M. le Duc Blacas d’Aulps, premier gentilhomme de la chambre, pair de France, etc. relatives au musée royal de Turin, 3 vol., Paris, 1824-1826, p. 10.
Giacometti s’inspire directement de l’art égyptien mais aussi du type du Kouros. Cette représentation voit le jour au VIIe siècle avant notre ère en Grèce. Elle s’inspire sans doute de la statuaire égyptienne, évoquant également le mouvement de la marche. Les grecs s’attachèrent à rendre le corps plus “réaliste” et moins symbolique.
Ci contre : Kouros (jeune homme), v. 590–580 av. J.-C. – Grec, Attique – ©MET
À l’origine : une Femme qui marche…
Au travers de l’exposition nous découvrons également que cet Homme qui marche était à l’origine une femme : Femme qui marche, de 1932. Sa pose, hiératique, sans esquisse de marche était directement inspirée de l’art égyptien où la femme, dans la plupart des cas, avait les pieds joints. Le trou dans la poitrine des différentes sculptures rappelle quant à lui des oeuvres tribales. Ce thème de la marche ne réapparait qu’après la guerre, au travers d’une oeuvre intitulée La nuit : figure longiligne créée pour un projet de monument qui n’aboutira pas.
Par la suite, ses recherches créatives ne cesseront d’aller dans ce sens et aboutiront aux sculptures que nous connaissons aujourd’hui sous le titre de l’Homme qui marche.
L’Institut Giacometti : accueil et bienveillance
Servie dans un magnifique bâtiment, l’exposition peut sembler courte dans un premier temps mais s’avère au bout du compte extrêmement riche et qualitative. Ainsi, se rendre au 5 Rue Victor Schoelcher dans le 14ème, c’est aussi découvrir un hôtel particulier au décor lumineux, délicat et remarquablement conservé. À noter que la décoration, entre art déco et art nouveau, fut réalisée par l’architecte et décorateur Paul Follot. Ce dernier réalisa également la décoration du magasin Le Bon Marché. Enfin, les vitraux, le mobilier, les peintures et huisseries forment un écrin qui met parfaitement en scène les sculptures de Giacometti.
Une mention spéciale pour les médiateurs présents, très sympathiques, accueillants et partageant avec plaisir leur passion pour l’artiste et ses oeuvres. Une exposition à inscrire absolument sur votre agenda !
Informations pratiques
Dates : Du 4 juillet 2020 jusqu’au 29 novembre 2020
Institut Giacometti, 5 Rue Victor Schoelcher, 75014 Paris
Accès : Métro ligne 4 et 6 : Raspail ou Denfert-Rochereau
RER B : Denfert-Rochereau
Bus line : 38, 59, 64, 68 ou 88
Horaires : Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Réservation en ligne
Autre exposition en cours : Marie Bovo à la Fondation Henri-Cartier Bresson